Page 45 - Mouskhely papers - Face of Federalism
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pourra par la suite proposer aux États fédérés et appuyer de toute son autorité une harmo-
            nisation des législations sociales. Avant même que ces législations n’aient été harmonisées,
            pour faciliter le déplacement de la main-d’œuvre si utile à l’accroissement de la production,
            l’État fédéral dirigera, après consultation et poussera les États à leur accorder les mêmes
            avantages et la même protection qu’aux travailleurs nationaux.

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               Le  tableau  général  de  l’Europe  fédérée  qui  vient  d’être  brossé  deviendra-t-il  un  jour
            l’image fidèle de la réalité ? L’organisation de la Fédération et la répartition des pouvoirs
            entre l’État fédéral et les États fédérés fonctionneront-elles en fait aussi harmonieusement
            que sur le papier ? Des difficultés, des « frottements », des malentendus, des oppositions
            plus ou moins franches ne manqueront pas de se produire. Ce n’est pas en un jour que l’on
            peut réaliser une œuvre aussi délicate que grandiose. L’Union américaine aujourd’hui ad-
            mirée par le monde entier, ne s’est pas faite d’un seul coup. Il a fallu presque cent ans pour
            qu’elle soit achevée et que la communauté des États-Unis devienne une réalité puissante.
            Comme la paix, la fédération est une création continue. Pour l’heure l’essentiel est de tracer
            un cadre solide mais suffisamment souple pour « épouser » toute la richesse et toute la com-
            plexité des faits européens.

               C’est aux peuples d’Europe, chaque jour plus conscients de leur solidarité et pénétrés da-
            vantage d’un esprit nouveau, qu’il appartiendra par la suite d’édifier à l’intérieur de ce cadre
            une communauté vivante.

                                                     CONCLUSION

               Seul l’avenir apportera à ce livre sa véritable conclusion. Son but unique a été de montrer
            en toute objectivité que l’histoire de l’Europe et des peuples qui la forment est arrivée à un
            tournant décisif et que chaque Européen a aujourd’hui le devoir de réfléchir, de choisir, puis
            de s’engager.

               Les nations occidentales, actuellement dans une situation tragique, ruinées économique-
            ment et politiquement menacées d’être asservies par de plus grandes puissances, ne pour-
            ront retrouver la sécurité et le bien-être qu’en brisant résolument toutes les cloisons qui les
            séparent et souvent même les opposent. Il n’y a que l’union qui puisse les sauver. La Fédé-
            ration est nécessaire.

               Mais des obstacles nombreux et redoutables que d’aucuns considèrent même irréduc-
            tibles, se dressent devant sa réalisation. On ne renonce jamais volontiers à ne plus être seul
            maître chez soi. Aux bénéfices incertains d’un avenir brillant, on préfère souvent les avan-
            tages certains d’un présent médiocre. On est toujours plus attaché à ce que l’on tient qu’à ce
            que l’on pourra obtenir. La Fédération est difficile.

               Ces obstacles sont-ils insurmontables ? Est-il absolument nécessaire de sacrifier toutes les
            réalités présentes à l’espoir d’un lendemain meilleur ? L’union ne réclame pas un tel prix. Elle
            sait respecter la personnalité des nations qui la composent. Elle est capable de s’adapter aux
            diversités nationales et, si elle exige quelques renoncements, c’est seulement pour mieux
            assurer l’indépendance et la sécurité de ceux qui les consentent. La Fédération est possible.

               Le fédéralisme peut venir au secours de l’Europe.


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