Page 36 - Mouskhely papers - Face of Federalism
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propos de l’interprétation ou de l’application d’un traité conclu dans les limites de sa com-
pétence par un État fédéral avec une puissance étrangère, ou s’il s’agit d’une réclamation
diplomatique élevée par un État étranger au sujet d’une mesure illégale prise par un État
fédéré à l’encontre d’un de ses ressortissants, c’est par un recours devant un tribunal arbitral,
la Cour de justice internationale ou par tout autre moyen de règlement pacifique du droit
des gens, qu’il faudra régler ces différends. Dans ce cas le droit international s’appliquera
intégralement ; seul l’usage de la force qu’il admet pourtant sous certaines conditions sera
écarté. Quant aux conflits résultant de l’exercice des attributions internationales de l’État
fédéral, c’est uniquement le gouvernement fédéral, à l’exclusion de l’État fédéré impliqué
dans le conflit, qui pourra intervenir dans la procédure de règlement pacifique.
Que ce soit le droit constitutionnel fédéral ou le droit international public qui préside à
la solution des litiges intéressant les États fédérés, en aucun cas ces derniers ne devront
recourir à la force. Ils ne pourront pas davantage en user même si l’intervention militaire
leur est imposée par un accord international, reconnu par la Fédération. Qu’il s’agisse d’un
engagement résultant de conventions passées avec des pays qui leur sont associés ou d’en-
gagement dérivant de la Charte de l’ONU – mesure d’exécution collective prescrite par le
Conseil de Sécurité – les États fédérés ne pourront jamais les exécuter sans l’intervention de
l’État fédéral.
193.
Dans la plupart des fédérations, la compétence des États membres en matière de traités
internationaux est extrêmement réduite. En principe, l’État fédéral a seul le droit de négocier
et de conclure des conventions avec les puissances étrangères. On reconnaît cependant aux
États fédérés la faculté de passer certains traités d’importance secondaire, comme les traités
de voisinage et de police des frontières. Dans les rares hypothèses où il est plus étendu, leur
pouvoir ne peut valablement s’exercer qu’avec le consentement de l’État fédéral, comme
si celui-ci prenait à son compte, ou tout au moins acceptait conjointement avec le pays
signataire l’engagement souscrit. Il n’y a guère que le Reich allemand de 1871 qui ait accordé
aux États un droit exclusif de traiter sur toutes les matières du ressort de leur compétence
interne.
194.
Quelle solution faudra-t-il adopter dans la Fédération européenne ? Devra-t-on recon-
naître au Gouvernement fédéral une compétence de principe et ne consentir aux États fé-
dérés que le droit de passer des traités sur des objets particuliers et peu importants ? Ou
bien au contraire, à l’exemple du Reich allemand, devra-t-on conserver aux États fédérés le
pouvoir de traiter sur toutes les matières qui relèvent de leur souveraineté ?
Aucune de ces deux solutions ne peut convenir à une Fédération européenne en voie de
formation et de croissance. Peut-on enlever aux États d’Europe le droit de négocier avec les
pays étrangers, alors qu’ils auront gardé une large autonomie interne, maintenu leurs liens
avec des communautés d’outre-mer et que par ailleurs l’État fédéral n’aura tout d’abord
qu’une compétence limitée. A priori, la solution allemande semble mieux répondre aux
conditions particulières de l‘Europe ; elle est toutefois insuffisante : trop rigide dans son ex-
pression, elle a donné lieu en Allemagne à des difficultés à propos de certains traités, le Reich
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