Page 30 - Mouskhely papers - Face of Federalism
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Devant un inventaire aussi impressionnant de droits, on pourrait croire qu’en se fédérant,
les nations d’Europe auront tout à gagner et rien à perdre. En réalité, l’union leur imposera
des sacrifices. Pour que la Fédération puisse garantir leur souveraineté et leur liberté, il fau-
dra qu’elles acceptent en retour de renoncer à son profit à une partie de leur souveraineté
et de leur liberté.
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Aucune fédération n’est possible sans l’adhésion de tous ses membres à quelques prin-
cipes fondamentaux. Le gouvernement de l’État fédéral étant et ne pouvant être que
démocratique, seuls seront admis les États d’Europe qui pratiquent le régime démocratique.
Il importe peu qu’ils soient monarchiques ou républicains, qu’ils aient un système de gouver-
nement présidentiel, parlementaire ou conventionnel, qu’ils admettent ou non les institu-
tions du gouvernement direct (initiative populaire, referendum, recall) ; à tous ces égards ils
conserveront une liberté pleine et entière. Mais il est essentiel que dans tous les États fédé-
rés, le peuple soit souverain et en mesure de faire entendre et d’imposer sa voix. Pour cela,
la Fédération européenne exigera que tous ses membres admettent le suffrage universel et
secret, des élections libres, la liberté d’opinion et d’expression, le libre exercice de l’opposi-
tion politique et enfin le respect des droits de la personne humaine.
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De plus, pour que l’autorité de l’État fédéral soit respectée, il sera indispensable que les
États fédérés adaptent leur législation nationale à la législation fédérale. En cas de conflit, le
« fédéral » devra l’emporter sur le « national ». Déjà en droit international, malgré la pleine
souveraineté des États, n’admet-on pas la primauté du traité sur la loi interne ? Comment
dès lors pourrait-on s’étonner de la suprématie du droit fédéral dans une fédération, où les
États membres ne sont plus entièrement souverains ? Aucun État, ne pourra donc annuler
de sa propre autorité une décision fédérale ; le « droit de nullification » n’aura pas de place
dans la Fédération européenne.
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Le maintien du lien fédéral serait, plus gravement compromis encore, si ceux qu’il unit
avaient le droit de le rompre à leur guise. Les États d’Europe, libres d’entrer ou non dans la
Fédération, n’auront pas le droit d’en sortir. Ils ne disposeront pas, comme dans la confédéra-
tion d’États, du droit de sécession ; ils seront rattachés à l’État fédéral aussi solidement que
les provinces à un État unitaire.
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Le danger de rupture du lien fédéral ne serait guère moins grave si, en se fédérant, les
États d’Europe ne renonçaient au droit de former entre eux des unions politiques et des
alliances particulières. La plupart des constitutions fédérales défendent les traités politiques
entre États membres. Une telle interdiction pourra-t-elle être admise dans la Fédération eu-
ropéenne qui, respectueuse de la personnalité internationale des États, leur permettra par
ailleurs de conclure des traités avec les pays étrangers et de participer à des organisations
internationales ? Il n’y a rien de contradictoire à ce que les pays d’Europe aient, dans les li-
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