Page 19 - Mouskhely papers - Face of Federalism
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ne la cimentent pas, ils l’expriment. Aussi, la constitution européenne ne doit pas être un
            code, mais un simple pacte. Alors seulement elle pourra devenir pour les nations d’Europe
            ce qu’est la Couronne pour les nations britanniques : le symbole de leur union.

               147.

               Malgré sa brièveté, la constitution fédérale devra cependant contenir des éléments ca-
            pables de favoriser l’élargissement des pouvoir et le renforcement de l’autorité de l’État
            fédéral. Le développement de la solidarité entre les nations fédérées, la consolidation du
            lien spirituel qui les unit nécessiteront un nouvel aménagement des rapports entre l’État
            fédéral et les États membres. Pour rendre cette adaptation plus facile et plus parfaite, les at-
            tributions du gouvernement fédéral ne doivent pas être formulées d’une manière trop rigide
            et trop étroite. Il faut que les textes soient suffisamment souples et larges pour se plier à la
            transformation de conditions politiques et économiques. En d’autres termes, il faut laisser à
            la coutume, expression vivante de l’état réel des forces politiques et sociales, la possibilité de
            maintenir constamment une harmonie entre la réalité et les textes qui la cristallisent.

               148.

               La constitution fédérale n’aura-t-elle donc qu’à poser certains principes généraux, à insti-
            tuer une autorité fédérale et à organiser avec brièveté et souplesse les rapports de la fédé-
            ration avec ses membres ? Ce serait méconnaître son rôle véritable que de la condamner à
            servir simplement de cadre juridique. Dans une démocratie, la constitution n’est pas seule-
            ment « la technique de la liberté politique », elle est aussi l’image et le symbole d’une foi et
            d’un idéal communs. À l’heure où les nations d’Europe, épuisées et préoccupées avant tout
            d’assurer leur existence matérielle, semblent avoir perdu tout espoir de renaissance spiri-
            tuelle et morale, il est plus nécessaire que jamais de leur redonner confiance et de ranimer
            leur foi. Il faut donc que la constitution fédérale leur propose un idéal commun.

               Est-il besoin pour cela, comme l’a proposé le Congrès de la Haye, l’inclure dans la consti-
            tution même une Charte des Droits politiques et sociaux de l’homme ? Une déclaration des
            droits suppose une acceptation générale et totale de certains principes fondamentaux. En
            matière économique et sociale, la diversité des structures dans les différents pays d’Europe
            et la divergence des conceptions théoriques qu’elle exprime, démontre que les nations occi-
            dentales ne sont pas encore entièrement d’accord. Si au mépris de cette diversité, la consti-
            tution adoptait une certaine idéologie économique et sociale, elle introduirait dans la fédé-
            ration des motifs de discorde qui pourraient provoquer des dissensions fatales au maintien
            de l’union.

               Par contre, en matière politique où il n’y a pas de divergences profondes, mais simple-
            ment une réalisation personnelle et originale par les nations du principe démocratique –
            que par ailleurs elles admettent toutes- la constitution fédérale pourrait sans inconvénients
            contenir une déclaration des droits politiques. Mais, pour que ces droits ne soient pas seu-
            lement affirmés, pour qu’ils soient respectés, il faudrait les garantir en cas de violation par
            un recours devant une Cour fédérale. Or, est-il opportun, alors que les États sont si jaloux de
            leur autorité vis-à-vis de leurs sujets, de froisser trop ouvertement leur susceptibilité et leur
            amour-propre national, en permettant formellement à tout citoyen fédéral de les assigner à
            tout moment et sous le moindre prétexte, devant la juridiction fédérale.



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