Page 8 - Mouskhely papers - Face of Federalism
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mont, « c’est tout simplement arranger ensemble, composer tant bien que mal des réalités
            concrètes et hétéroclites, c’est les arranger selon leurs caractères particuliers qu’il s’agit à
            la fois de respecter et d’articuler dans un tout. » Profondément respectueux des réalités et
            sachant se modeler sur elles, le fédéralisme condamne le « simplisme brutal » qui, au mépris
            de la complexité de la vie, écrase tout ce qui peut s’opposer ou résister à la réalisation d’une
            conception toute faite.

               En cela, il se sépare du totalitarisme intolérant qui simplifie pour uniformiser. Dans le
            souci de ne pas tarir les sources vives de la civilisation, le fédéralisme ménage toutes les
            vocations particulières faites de traditions et de contributions multiples et originales, tou-
            jours « recommencées ». Aussi, le principe fédéraliste est-il d’une extrême complexité. On
            l’a comparé à un « mouvement d’horlogerie » aux rouages délicats et compliqués. Son appli-
            cation suppose l’existence de multiples institutions politiques, administratives, économiques
            et culturelles qui s’engrènent les unes dans les autres, et qui, en s’intégrant dans le tout, n’en
            développent pas moins leur vie autonome.

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               Le fédéralisme satisfait ainsi aussi parfaitement que possible les deux besoins fondamen-
            taux, en soi antinomiques, de toute société, l’autorité et la liberté. « Il n’y a pas de société »,
            écrit Proudhon, « sans autorité et sans liberté. Une société sans autorité, c’est l’anarchie ;
            une société sans liberté, c’est l’esclavage. » Pour faire régner à la fois l’autorité et la liberté,
            il faut les insérer dans un système d’équilibre où, tout en se limitant réciproquement, elles
            se soutiennent l’une l’autre.

               La liberté signifie pour les nations le maintien de leur individualité même, la sauvegarde
            de leur particularisme et la conservation de leurs traditions et de leur culture propre. L’au-
            torité réside pour elles dans la soumission volontaire à un ordre commun. Cet ordre résulte
            de l’établissement d’une loi supérieure et d’un organisme chargé d’en assurer l’application.
            En l’acceptant, les nations ne renoncent nullement à leur liberté. Elles ne cessent pas d’être
            elles-mêmes, elles conservent le droit d’être différentes des autres. Sans doute, doivent-elles
            consentir quelques sacrifices et faire abandon d’une partie de leur souveraineté ; en retour
            elles bénéficient de la garantie fédérale et leur indépendance se trouve par là même mieux
            protégée.

               L’équilibre entre l’autorité et la liberté est ainsi réalisé par la conciliation de l’autonomie
            nationale avec la soumission à un ordre commun. Deux raisons en assurent le maintien.
            Cet ordre commun est l’œuvre d’une loi « conventionnelle » forgée par les nations qui s’y
            soumettent et l’organisme qui l’assure est composé de leurs délégués. La participation des
            nations est si intime que l’existence et le fonctionnement de l’union sont inconcevables sans
            elles. En ce sens, l’on peut dire que les États fédérés sont à la fois sujets et souverains.
















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